Fêtons les tatas pour une autre image de la femme
Aujourd’hui, un billet d’humeur pour changer mais qui sera en lien avec l’actualité :
la fête des Grand-Mères et la journée des DROITS des femmes
qui sont tombées cette année à un jour d’écart.
Célébrer la fête des Grands-Mères me gêne depuis un certain nombre d’années, car :
- c’est une fête commerciale inventée par le café Grand-Mère (voir encadré ci-dessous) ;
- elle est redondante avec la fête des Mères : logiquement si je suis grand-mère, je suis aussi mère (mais comme cela, vous vendez deux fois plus de fleurs et autres « cadeaux ») ;
- c’est encore une fête qui ne met en avant que le côté maternant de la femme ;
- et surtout son pendant masculin (1er dimanche d’octobre) n’est pas du tout connu (cela ne serait tardé, une marque de rasoir, chocolat ou whisky en fera sans aucun doute la promotion prochainement).
Donc aujourd’hui, je ne vais pas parler de grand-mère mais d’un autre statut de femme, des femmes qui ne sont pas forcément mères, ni grand-mères, qui sont présentes dans la majorité des familles mais dont on ne parle que rarement, qui sont peu représentées dans les chansons, films ou séries, qui n’ont pas de fête à elles et qui ont cependant compté dans la vie de beaucoup d’entre nous :
je parle des tatas, tanties, tantines, nos tantes !
Aujourd’hui, je veux leur rendre hommage pour tout ce qu’elle accomplisse dans la vie de chacun, leur aide si précieuse et leur totale discrétion.
Ce billet sera, pour une fois, plus personnel, en espérant que la situation que j’ai connue avec mes tantes, soit la même que celle de beaucoup d’entre vous.
Mes tantes et grand-tantes comptent beaucoup dans ma vie. Le nom de ce blog vient en partie de l’une d’entre elles qui nous a quittés il y a quelques années et qui adorait faire de la pâtisserie, dont des diplomates… C’est en effet au moment de leur décès que nous nous rendons compte du grand vide qu’elles laissent, et de la place qu’elles prenaient dans notre vie. Bien sûr, tout le monde n’a pas une relation aussi privilégiée avec ses tantes. Toutefois, je pense qu’il est important d’en parler car c’est un statut de femme discret, qui, pourtant, peut convenir à beaucoup de femmes qui n’auront pas d’enfants, mais qui aimeront s’occuper de leurs neveux et nièces.
Mes tantes comptent beaucoup pour moi, et malgré l’éloignement, le covid et leur âge qui s’avance, j’essaye de garder le contact en leur téléphonant régulièrement (ce que je n’ai pas fait depuis un moment !) et en allant les voir quand je rentre en Picardie. Je leur dois tellement, elles m’ont tellement appris, aussi bien au niveau « activité » (cuisine, broderie, peinture, jardin… et j’en passe) qu’au niveau « développement personnel ». Je le vois encore aujourd’hui adulte.
Dernièrement, j’ai voulu apprendre le crochet pour occuper les longues soirées d’hiver (du couvre-feu !). Étant éloignée géographiquement et ne pouvant revenir plus souvent à cause de ce put* de couvre-feu, ma tante m’a montré vite fait les points de base puis j’ai continué avec des tutoriels et un livre… Mais ce n’est pas pareil ! Même si la vidéo explique bien, rien ne remplace la transmission orale, gestuelle et corrective ! Ma tante m’aurait, en effet, repris si je faisais mal le geste, alors que là, je suis toute seule face à l’écran. Et difficulté supplémentaire, je suis gauchère et les tutoriels sont réalisés pour les droitiers, alors que mes tantes se seraient adaptées à ma « gauchitude » comme l’une d’elle l’avait fait quand elle m’avait appris la broderie.
La fête commerciale des grands-mères
Le sponsoring avec le Journal de Mickey par exemple a duré des années. Le Café Grand’Mère finançait les « cadeaux » offerts par le Journal de Mickey pour que la jeune lectrice ou le jeune lecteur l’offre à sa grand-mère. Quand j’y pense, j’en suis malade car j’ai participé moi-même à la mise en place de cette fête ! Pendant tout mon abonnement au Journal de Mickey, j’ai offert chaque année le cadeau prévu estampillé du logo Café Grand’Mère et du logo crée pour l’occasion : un enfant offrant un bouquet de jonquilles (qui éclosent fin février-début mars).
En 2002, Kraft Jacobs Suchard, voyant le succès de son opération, va plus loin, en fondant l’association Fête des Grands-Mères pour créer les différents événements en lien avec la fête qu’ils ont eux-mêmes créée ! L’association commande par exemple des études sur les grands-mères, pour ensuite les ressortir, au bon moment, dans les magazines féminins[2] : pour ne pas que vous oubliez de bien fêter votre grand-mère ou rappeler à vos enfants de le faire.
Aujourd’hui, la marque Café Grand-Mère profite toujours de cette période pour lancer une grande campagne publicitaire. Et cela fonctionne : 77 % des Français célébraient en 2019 la fête des Grands-Mères[3] ! Et bien sûr, dans notre société actuelle, comme on ne sait pas fêter sans acheter quelque chose[4] : deux Français sur trois offriront un bouquet de fleurs ou autre cadeau.
L’apport d’une tata à un enfant
Évidemment, on pourra me répondre que cet exemple avec le tutoriel peut s’appliquer à une mère, une grand-mère ou même une sœur. Ce qui est vrai. Toutefois, les tatas apportent en plus un aspect important dans l’éducation d’un enfant (puis en étant adulte) : un autre regard, un autre apprentissage, une autre vision du monde ! En effet, la personnalité et les aléas de la vie font qu’elles auront une autre conception de la vie que celle du parent : pour un exemple personnel, profiter de la plage plutôt que du faire du ménage . Et cette conception différente permet à l’enfant de confronter d’autres points de vue, de se rendre compte qu’on peut vivre de multiples manières, ce qui est, à mon avis, très bénéfique pour le développement personnel. Les tatas nous donnent aussi en général une force et une confiance en nous, que ne font pas forcément les parents étant pris dans le feu de l’action éducative.
La relation avec une tante peut ensuite être une soupape pour l’enfant ou adolescent, notamment quand celui-ci a des relations conflictuelles avec ses parents. Avoir des conversations pacifiées avec un autre adulte permet de prendre du recul et de gagner en maturité. La tata peut également permettre d’arrondir les angles aussi bien avec l’enfant que les parents.
De même, partir en vacances chez sa tante permet un nouvel espace de liberté et de couper le cordon avec les parents. Et ces espaces sont propices à l’enfant (d’autant plus aujourd’hui où les enfants sont beaucoup moins libres). Je me rappelle encore quel plaisir j’allais en vacances chez mes tantes. Les plats étaient différents, chez une, j’avais le droit au petit-déjeuner dans le lit, comme j’étais là, elles avaient du temps à me consacrer. Une autre m’emmenait à la foire… De bons moments qui se sont transformés en bons souvenirs que je conserve précieusement.
Enfin, le plus savoureux pour un enfant : quand la tata raconte comment le parent était enfant, leurs jeux, chamailleries et les relations avec les grands-parents. Enfant, c’est toujours plaisant d’imaginer nos parents enfants (rêve mis en scène par le film culte Retour vers le futur).
Aujourd’hui adulte, j’aime encore passer du temps avec mes tantes. Elles m’apportent une vision ancrée de la réalité qui fait du bien et me rappellent que nous ne vivons pas tous de la même façon et que chacun a ses problèmes. C’est bateau ce que j’écris, mais un rappel de la réalité des choses est toujours bon, on oublie tellement vite. Puis, elles me racontent leurs petites histoires, et j’adore les histoires ! Sans oublier de me donner des nouvelles de la famille au sens très large, comme celles des petits-cousins, avec qui nous nous voyons rarement.
Puis, quand je questionne mes tantes sur le passé, leur jeunesse, leur vie de jeune adulte, elle me raconte comment s’était avant, ce qui est toujours une source énorme d’informations, le monde a tellement changé en soixante-dix ans ! Leur point de vue est toujours intéressant car elles ont vu tellement plus de choses que nous ! Et un moment avec elles ne se terminerait pas sans parler politique et société (mes tantes sont aussi au taquet )!
Enfin, le retour de leur expérience est inégalable ! Aussi bien pour l’éducation des enfants que pour la cuisine, le jardin, etc. Ayant vécu plus que nous, elles connaissent beaucoup mieux les choses que nous. Et je sais que, lors de la naissance de sa première fille, ma sœur a beaucoup apprécié les petits conseils donnés par l’une de mes tantes. Vous pourrez me rétorquer que la mère peut aussi donner ses conseils. Ce qui est vrai. Toutefois, tout le monde n’a pas une relation privilégiée avec sa mère, puis, celle-ci n’est pas omnisciente, elle ne peut pas tout connaître, enfin, à plusieurs, nous sommes plus intelligents, donc avoir des conseils de personnes différentes est toujours bon à prendre.
Pourquoi le terme tante désignait les homosexuels ?
Le terme apparaît pour la première fois en 1821 dans un dictionnaire argotique pour désigner la femme du concierge de prison. Puis, le mot « tante » s’est infléchi devenant, en 1835, cet « homme qui a les goûts des femmes, la femme des prisons d’hommes[5] ». En effet, à l’époque, beaucoup d’hommes étaient mis en cellule pour « outrage aux bonnes mœurs ». Toutefois, c’était surtout les homosexuels « efféminés » qui étaient davantage réprimés par rapport aux homosexuels vus comme « masculins », donc plus « normal » au sens où ils s’étaient fait avoir par les attributs féminins de ces autres hommes. Le mot « tante » a ainsi été choisi pour désigner la dimension féminine de ces hommes. Aujourd’hui, au vu des témoignages de l’époque, nous parlerions plutôt de transgenres que d’homosexuels.
L’appellation « tante » pour les homosexuels a pris peu à peu une connotation négative (si elle ne l’avait pas déjà ?!) dans la seconde moitié du XXe siècle. Aujourd’hui, c’est totalement une insulte envers les homosexuels.
Avant de devenir moi-même tata, je n’aurais jamais pensé que j’adorerais autant ce rôle (après, j’ai des nièces trop mignonnes et trop intelligentes, en toute objectivité !). Et c’est tellement amusant de voir l’évolution des enfants. Et l’avantage, en tant que tante, est que nous n’avons que les bons côtés : les jeux (je suis très joueuse), les activités et les sorties. De même, on peut se permettre des réflexions sur l’éducation (alors qu’avec certains amis, c’est plus difficile).
En outre, quelque chose dont on ne pense pas du tout étant jeune : c’est la transmission génétique. Quand je vois la fille de ma sœur, je suis toujours impressionnée de retrouver les traits physiques et caractériels familiaux. Ma sœur me dit que c’est ce que l’on cherche à voir. C’est peut-être vrai. Là, je n’ai pas assez de recul et de neveux et nièces pour observer. Mais, même si c’est nous-mêmes qui cherchons, je trouve cela intéressant au niveau histoire de l’Humanité (oui, carrément !). Qu’est-ce qui est inné ? Éducatif ? L’importance du milieu ? De l’éducation parentale ? Familiale ? Bref, plein de questions intéressantes qui nous font réfléchir à la transmission.
Enfin, l’essayiste Mona Chollet, dans son livre Sorcières, indique aussi que les tantes devraient être mise plus en avant dans notre société, car certaines femmes qui n’ont pas d’enfants se réalisent très bien dans le rôle de tata. Cela permettrait également d’arrêter de mettre autant de pression sur la mère et de décharger l’éducation de l’enfant sur l’entourage familial et non plus seulement sur une seule, voire deux personnes quand le père prend en charge l’enfant ! Alors, à la place de la fête des grands-mères qui fêtent une fois de plus, la mère, fêtons nos tantes, montrons qu’un autre statut de femme est possible, et surtout elles le méritent amplement !
BONNE FÊTE MES TATAS CHÉRIES !
Et si vous voulez aussi dire à vos tatas qu’elles comptent pour vous, partagez leur l’article !
• Une des seules références populaires (à ma connaissance) qui met en avant la tante, la célèbre chanson Tata Yoyo d’Annie Cordy (que nous avions reprise avec mes cousins et cousines pour les 70 ans d’une des mes tantes, et je peux vous dire que chanter le « Ding Ding Ding » est difficile !). Dans cette vidéo, il manque les premières notes de la chanson (https://www.youtube.com/watch?v=rKOup6j8B34).
• Sur l’apparition du terme « tante » pour désigner les homosexuels (je pense qu’aujourd’hui, nous ferions une distinction entre homosexuel et transsexuel), cet article très complet qui mêle des références aux archives de police et aux romans de Balzac : https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RHSH_017_0047
[1] https://www.strategies.fr/actualites/marques/r50779W/kjs-lance-la-13eme-fete-des-grand-meres.html
[2] https://www.femmeactuelle.fr/enfant/enfants/grand-mere-1171287
[3] https://www.leparisien.fr/economie/business/grand-mere-met-toujours-le-paquet-sur-la-fete-des-grand-meres-18-03-2019-8034534.php
[4] https://www.lsa-conso.fr/fete-des-grands-meres-pres-de-2-francais-sur-3-offriront-un-cadeau-a-leurs-mamies,201820
[5] https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RHSH_017_0047#no3
Alors pour info une fête des grands pères existe en novembre.
Au delà du rôle de la tante, “il faut tout un village pour élever un enfant “. La société occidentale a isolé les parents, mais dans d’autres cultures chaque membre de la famille à un rôle !
Et je prends note pour les sorties avec Ju! 😉
Ah, je vais aller corriger pour la fête des grands-pères. Merci de l’info. Cela se voit qu’il n’y a pas encore une marque qui en a fait la promo, elle n’est pas du tout connue !
Oui très bonne citation, je suis tout à fait d’accord, et je déplore aussi l’éloignement de la famille au sens large !