Marche-t-on sur la tête ?

Marche-t-on sur la tête ?

       Combien de fois n’a-t-on pas entendu la phrase « On marche sur la tête » face à des situations qui nous semblaient d’un illogisme profond !? D’autant plus quand la situation touche le service public ou l’entreprise. Pourtant, cette phrase me gêne de plus en plus. En effet, même si les situations sont insensées, dire cette phrase occulte les premiers responsables de cette absurdité : le système capitaliste et/ou les choix politiques qui ont été DÉCIDÉS ces trente dernières années par nos gouvernants ! 

Public, privé : de multiples exemples absurdes

Le public : des choix au détriment des finances publiques

       L’exemple de l’hôpital est représentatif : en pleine crise du covid-19 alors que nous manquions de lit, l’Agence régionale de Santé du Grand-Est décide de fermer encore des lits[1] au Centre hospitalier de Nancy (vous vous rappelez la région la plus touchée au début de l’épidémie !) !!! Et si cette situation absurde n’était que dans le Grand-Est, mais toutes les régions françaises sont touchées[2] ! « On marche sur la tête » ! Non, les Agences régionales de santé (ARS) ont tout simplement fait ce que les politiques leur demandent depuis des années, via le Copermo (Comité interministériel de performance et de la modernisation de l’offre de soins) : réduire le nombre de lits[3] !

       Et l’absurdité va encore plus loin quand les politiques nous disent que ce sont pour des raisons financières : la plupart du temps, ces fermetures de lits s’accompagnent de la construction d’un nouvel hôpital plus grand en surface comme à Nantes[4], Paris[5] et dans d’autres villes (pour faire croire qu’il y a davantage de lits !?). Où sont les économies d’argent avec le coût de la construction ?! Je ne vous parle même pas de la problématique d’aménagement des territoires et de l’accès au soin à tout concentrer au même endroit, ni de la lutte contre le chômage (moins de lits = moins d’emplois). « On marche sur la tête ».

 

Le privé : des choix illogiques à long terme

       Nous pourrions croire que les entreprises étant privées sont épargnées de ces choix insensées. Hélas, mon expérience dans beaucoup d’entreprises différentes ne m’a pas montré plus de bon sens. Le meilleur a été quand ma cheffe a été virée du jour au lendemain après 41 ans de bons et loyaux services (alors qu’elle voulait rester jusqu’à 45 ans) et qu’une quinzaine de jours auparavant, elle recevait un mail du directeur du pôle pour dire qu’elle faisait du bon boulot ! Elle a donc été remplacée par une autre, qui était tellement compétente qu’à peine trois mois plus tard, la direction lui ajoutait une cheffe, pour en rajouter une nouvelle quelques mois après. Notre service de cinq personnes s’est donc retrouvé avec trois cheffes undecided (qui n’étaient pas payées au SMIC) ! Toujours dans cette même boîte, mon contrat n’a pas été renouvelée pour cause de budget (j’avais un salaire tellement énorme money-mouth). Le lendemain de cette nouvelle, le grand P-DG nous convoque tous pour annoncer que l’entreprise rachète le deuxième groupe de presse professionnelle française surprised !

       Et mes autres expériences dans d’autres entreprises, aussi bien petites que grandes, m’ont montré d’autres situations ou décisions totalement insensées. Julia de Funès, philosophe et ancienne employée de Ressources humaines, a aussi étudié ce phénomène dans ses différents livres dont La vie de bureau ou Comment je suis tombée en Absurdie.

       Entre les exemples d’entreprises privées ou celles de l’administration publique (je pense aussi à la nouvelle mode des méga centres scolaires[6] qui se font au détriment du bien-être des élèves et des finances publiques), il y a pléthore d’exemples que je ne listerai pas car il me faudrait un livre entier (si une maison d’édition me lit sealed). Je sais que vous en connaissez aussi autour de vous. Alors, marche-t-on vraiment sur la tête ?

Une phrase qui déresponsabilise les décisions prises

       En disant « on marche sur la tête », l’emploi du « on », pronom impersonnel, sous-entend que nous sommes face à un ordre des choses auquel personne n’est responsable. Mais c’est faux !

Le public face à des politiques ne pensant pas l’intérêt général

       L’exemple des hôpitaux le montre : ce sont bien des choix politiques prises depuis le gouvernement Chirac de 2002 qui ont transformé une des fiertés françaises en désastre total :  passage de la tarification au forfait à l’activité, gel du point d’indice sur le salaire du personnel soignant, diminution du recrutement, augmentation des contrôles, suppression des lits, etc. À peine une vingtaine d’années après toutes ces décisions politiques, nous arrivons à la situation que nous connaissons aujourd’hui avec du personnel épuisé et des patients en souffrance. Donc, l’hôpital ne marche pas sur la tête, ce sont les choix politiques pris qui l’ont transformé en un laboratoire insensé !

       Le pire dans cette histoire est que nous n’avons même pas fait d’économie (à l’origine, l’objectif de toutes ces réformes) : nous sommes passés pour les soins hospitaliers de 70 milliards en 2006 à 94 milliards en 2018[7] !

Le privé face à des dirigeants court-termistes

       Il en est de même pour les entreprises, nous avons l’impression qu’il n’y a pas de logique dans leurs intentions, mais si. Étant prise dans un système capitaliste où le but est de faire de l’argent, elles sont rentrées dans la seule logique du court-terme (gagner de l’argent rapidement) et non du long-terme. En tant que personne salariée, nous avons du mal avec cette logique car nous savons très bien que c’est le long-terme qui fait durer les entreprises (et notre emploi). Le personnel salarié a ainsi beaucoup de difficulté à comprendre pourquoi les entreprises sont aussi dures envers lui, alors que toutes les études montrent qu’un salarié heureux est plus productif[8]. Mais, la logique de l’entreprise n’est pas d’améliorer les conditions salariales par un meilleur cadre ou salaire qui est toujours vu comme trop cher. L’entreprise n’a qu’un regard : le coût (mais jamais celui du robot ou du manager qui remplit les tableaux Excel). Et même si le coût sous-entend moins de production par la suite (moins de salariés = moins de travail produit) donc un risque de faillite, son objectif est de faire de l’argent TOUT DE SUITE et non dans 10 ans !

       Toutes les situations insensées auxquelles nous devons faire face dans la vie quotidienne ou en entreprise découlent donc bien de choix pris par nos politiques et nos dirigeants. « On ne marche donc pas sur la tête », ce sont nos politiques et dirigeants qui ont une gestion différente de la vie en collectivité et qui ne questionnent pas cette gestion capitaliste de la société.

Lutter contre nos politiques qui « marchent sur la tête »

       Il faut donc arrêter toutes ces décisions absurdes aussi bien dans le domaine public, que privé afin de retrouver une paix intérieure mais aussi collective. Je ne vais pas vous dire que c’est facile de combattre le système capitaliste qui est partout et est complexe, sans oublier qu’il a une énorme force d’adaptation (le green washing ou verdissage de ses produits en est un bon exemple) mais nous oublions (et les médias traditionnels nous le font oublier) que choisir tel produit, ou voter un parti ou une personne politique peut aider à améliorer les choses, voire contrer les effets du capitalisme.

 

Des mobilisations pour combattre ce système néfaste

       Pour revenir aux hôpitaux, face aux mobilisations du personnel soignant et citoyen, le gouvernement avait suspendu la fermeture des lits[9] (seulement pour quelque temps, c’est le gouvernement Macron). Si l’Assemblée Nationale élue en 2022 aurait été plus à gauche (Verts, Nupes, PC, LO, NPA), la fermeture des lits se serait stoppée (prévue dans tous les programmes à gauche, comme je le montrais dans cet article).

       Dans le cadre des entreprises, il faut espérer qu’avec la baisse du chômage, le personnel salarié va enfin avoir les moyens de faire pression pour avoir accès de meilleurs conditions salariales. Pourtant, c’est à ce moment que les gouvernements Macron, Ier et IIe quinquennats, décident de réduire encore le peu de droits des travailleurs[10] et des conditions de pénibilité[11]. Les entreprises sont donc orientées aussi par les choix politiques établis (je ne pense pas que Jadot, Mélenchon, Roussel, Arthaud ou Poutou auraient mis en place un tel régime en défaveur des salariés).

 

Des choix individuels et collectifs pour une meilleure société

       Ce sont donc bien nos choix individuels et collectifs qui permettront de renverser la tendance et d’arrêter toutes ces situations absurdes. Nous n’arrêterons peut-être pas le système, mais si au moins nous pouvons l’améliorer comme dans les années 1960, ce sera déjà cela de gagné et un maximum de personnes en profiteront.

       Il faut donc choisir sa consommation, d’aller dans le publique plutôt que le privé (améliorer le publique quand il n’est pas à la hauteur comme l’explique la politologue Fatima Ouassak pour l’école, voir l’article à ce sujet), mais aussi voter en lisant bien les programmes lors des élections et en choisissant des partis qui favorisent le bien-être de la société et du collectif, comme je l’expliquais dans cet article.

       Et en attendant que les choses bougent au niveau politique, n’hésitez pas à vous engager dans les syndicats de votre branche professionnelle ou dans des associations qui font un énorme travail de terrain, voire même dans un parti politique pour faire remonter les idées. Si le gouvernement Macron-Darmanin est en train de verrouiller les associations, voire de vouloir les dissoudre[12], c’est bien qu’elles servent à quelque chose. « On marche sur la tête », mais avec l’engagement collectif plus pour longtemps laughing.

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