Et pourquoi pas électricienne ?

Et pourquoi pas électricienne ?

Aujourd’hui, un billet d’un ton différent sur le blog mais c’est un sujet qui me tient aussi à cœur : le féminisme ! L’idée de cet article m’est venue cette semaine en tombant sur ce  dessin de la très bonne illustratrice féministe Diglee (pour voir le dessin original, c’est ici) paru dans Le Nouveau Magazine littéraire de ce mois-ci. Dès que j’ai vu le dessin, quelque chose m’a chiffonnée ! Et j’ai appris, grâce à Emma (la blogueuse qui a vulgarisé la charge mentale des femmes), que si quelque chose me chiffonne, c’est qu’il y a un truc qui ne va pas !

Là, dans ce dessin, ce ne sont pas les noms de métier au féminin ! Au contraire, je suis tout à fait pour la féminisation des noms de métier tant qu’elle respecte la langue française. Et aujourd’hui, je suis bien contente d’entendre « autrice » à la place d’« auteure » qui était selon moi une aberration (pour voir pourquoi, lire l’encadré). J’avais même écrit à l’Académie française il y a quelques années (en 2011, Oh my God, déjà !) sur ce point en leur proposant le terme d’autoresse, qui me plaisait beaucoup car renvoyant à poétesse et était déjà employé dans la traduction du Puits de la Solitude de Marguerite Radclyffe-Hall (superbe livre au demeurant sur la difficulté d’amour entre deux femmes au début du XXe siècle jusqu’aux années 1920). Comment cela se fait-il alors que ce dessin qui emploie le terme de peintresse (oh, j’adôre !) me tracasse-t-il ?

Pourquoi le terme « auteure » est affreux ?

En français, la féminisation des noms répond à des règles simples :

Instituteur → Institutrice

Docteur → Doctoresse

Danseur → Danseuse

Mon exemple préféré qui montre la précision de la langue française laughing :

Pêcheur → Pêcheuse

Pécheur → Pécheresse

Mais, comme dans toute bonne langue qui se respecte, il y a une exception, ce sont pour les féminins religieux :

Prieur → Prieure

Supérieur → Supérieure

Voilà pourquoi le féminin auteure me gêne car il renvoie à la religion ! Et le livre est déjà assez sacralisé comme ça pour lui ajouter une dimension religieuse !

Examinons le dessin encore une fois et regardons les métiers qui sont proposés : peintre, magistrat, auteur, avocat, chirurgien, poète et écrivain. Bref, des métiers trop cools selon moi (excepté chirurgien)… Mais la moitié de ces métiers existent peu dans la vraie vie : vous connaissez beaucoup d’auteur, poète et écrivain ? J’en connais, mais ce n’est pas leur métier au sens où ils n’arrivent pas à en vivre ! Et l’autre aspect de ce dessin qui m’a gênée est qu’il ne présente que des métiers intellectuels et artistiques ! Aucun métier manuel n’est représenté (pour info, je n’aime pas cette dichotomie entre intellectuel et manuel, mais pour cet article, on laissera), et cela me gêne que ce dessin ne montre pas une plombière, une couvreuse, etc. Surtout qu’objectivement parlant, pour la plupart des métiers « intellectuels », les femmes sont déjà ou presque à majorité avec les hommes. Aujourd’hui, il y a plus d’avocates que d’avocats rentrant dans la profession. En médecine générale, les femmes dépassent la moitié. Et cela va continuer, puisqu’il y a plus d’étudiantes que d’étudiants dans les universités[1]. L’explication venant du fait que les filles sont bien scolaires (rectificatif : on leur a appris à être bien scolaires) : elles s’adaptent à ce que l’école leur demande.

En revanche, pour les métiers manuels, il en est tout autre. Si on laisse facilement une fille aller en coiffure ou en esthétique, les filles dans le milieu du bâtiment et des transports sont rares. Avez-vous déjà vu une conductrice de train ou une pilotesse (allez, j’ose ce féminin !) ? Moi jamais. Pourtant, je prends le train quotidiennement [AJOUT octobre 2020 suite au commentaire de Delphine : elles sont étaient 5 % en 2013 à la SNCF]. En pilote de course, il y a en a quelques-unes mais elles sont rares[2]. Pilote de chasse, je ne crois pas [AJOUT octobre 2020 : elles existent mais sont aussi rares]. Mon frère qui a fait un Bac Pro menuiserie avait deux filles dans sa classe, idem en maçonnerie cette année-là. Et devinez quoi, elles étaient les meilleures ! Apparemment, elles faisant des joints comme personne ! Selon moi, la vraie victoire de l’égalité hommes-femmes, c’est quand les filles pourront faire TOUS les métiers qu’elles souhaitent, aussi bien menuisière que procureuse[3] et que dans les faits, chaque métier soit représenté à 50 % par chaque sexe. Alors les filles : choisissez un métier, n’importe lequel, manuel, intellectuel ou artistique, mais celui que vous VOULEZ !

 

POUR ALLER PLUS LOIN

Une étude (canadienne) très complète sur la place des femmes dans les métiers de la construction : https://www.csf.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/avis-mixite-metiers-construction.html#bookmark5

AJOUT octobre 2020. Les femmes conductrices de train : https://www.franceinter.fr/histoire/les-femmes-a-fond-de-train.

Clin d’œil : comment dit-on ?

Une femme médecin ? Médecine ?! Existe déjà ! J’emploie le terme de doctoresse. Ou alors médecinesse ?
AJOUT mars 2023. Titiou Lecoq dans son livre sur l’histoire des femmes (ma recension en cliquant ici) nous donne une réponse : au Moyen Âge, la femme médecin était appelée miresse.

Une femme ingénieur ? Ingénieuse ? Existe déjà ! J’emploie donc le terme d’ingénieuresse.

Ironie intellectuelle féminine

En écrivant cet article, je me suis rendu compte d’un paradoxe. Si les filles sont une minorité dans les métiers manuels, en revanche leurs noms de métiers se féminisent très bien, et il n’y a jamais eu de débat quelconque sur la féminisation de ces noms de métier. En revanche, la féminisation des noms de métiers intellectuels (comme auteur, professeur) provoquent de vifs débats, voire de tensions dans certaines universités (quand le doyen est une doyenne) ou même dans notre hémicycle national*. Pourquoi cette différence ? Est-ce que les métiers intellectuels, considérés comme plus gratifiants dans la société française, ont plus de mal à laisser la place aux femmes et aux minorités, ce qui révèlerait une société de caste ? Ou est-ce que, comme le constatait cette chère Simone, les classes populaires sont plus paritaires que les classes bourgeoises** ?

Résumé de Brut sur la difficulté de la féminisation des noms
de métiers intellectuels en France des trente dernières années :
https://www.youtube.com/watch?v=7fpChSHao84

Notes :

* La fameuse altercation, en 2014, à l’Assemblée nationale entre Julien Aubert et Sandrine Mazetier sur la féminisation du mot président : https://www.dailymotion.com/video/x27gcfn
 ** Simone De Beauvoir, Le Deuxième Sexe, tome 1, Gallimard, 1949.
Pour être plus précis, dans le chapitre « Histoire », partie V, elle met en avant la gouvernance des femmes de la campagne et donc l’égalité face à la gestion du budget de la maison.
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Amélie

Coucou !
J’aime bien ce que tu écris 🙂 pour ça merci !
Bisous d’une ancienne TL2 !

Magali

Coucou,
Merci beaucoup pour cet article (ainsi que les autres), quelle écriture pêchue (pertinente, et un peu impertinente aussi!)!! avec plein de liens intéressants. Et dans les autres articles des sources très variées (bien à gauche comme on les aime : Fakir, notamment, ou plus “de référence” comme Le Monde).
Et j’ajoute, en Suisse, le féminin est davantage utilisé, tant en politique que dans les institutions, et cheffe ou patronne sont bien ancrés!
Longue vie au blog!

Delphine Labalec

Bonjour !
Pour les conductrices de train, elles sont peu nombreuses (moins de 5%) mais elles sont là (https://www.google.com/url?sa=t&source=web&rct=j&url=https://www.franceinter.fr/histoire/les-femmes-a-fond-de-train&ved=2ahUKEwij_MDQ3rjsAhWpxoUKHUXzDqMQjjgwAHoECAIQAQ&usg=AOvVaw0lGAg4dFUZY942I41h7iut).
Pour les pilotes de chasse aussi, même si c’est exceptionnel (https://www.google.com/search?newwindow=1&client=tablet-android-samsung&sxsrf=ALeKk02_wHU-eL2FQ_riW6jJhvQFqmwgJA%3A1602838477170&ei=zV-JX-PhCamNlwTF5ruYCg&q=pilote+de+chasse+femme&oq=Pilotefemme&gs_lcp=ChNtb2JpbGUtZ3dzLXdpei1zZXJwEAEYADIGCAAQBxAeMgYIABAHEB4yBggAEAcQHjIECAAQDTIECAAQDTIGCAAQBxAeMgQIABANMgYIABAHEB46BAgAEEc6BggAEAgQHjoGCAAQBRAeOgQIABBDOgcIABCxAxBDOggIABAHEB4QEzoICAAQBxAKEB5Qlh5Yn4ABYJSOAWgFcAF4AYABsQKIAeUQkgEIMC4xMy4xLjGYAQCgAQHIAQjAAQE&sclient=mobile-gws-wiz-serp).
J’ai vu il y a quelques jours une rippeuse. Renseignements pris, il semble qu’il y ait déjà eu des maçonnes, mais c’est rare.
J’ai trouvé un article d’il y a 10 ans qui expliquait qu’à pôle emploi, un chômeur avait accès à 32 familles de métiers là où les chômeuses n’ont accès qu’à 6 familles d’emplois. Et ça, c’est en théorie. Le vrai problème ne serait-il pas que dans les faits, nous sommes peu à réellement choisir notre métier ? Un maçon ou une caissière avaient-ils pour ambition d’avoir ces métiers ? Rarement. Les métiers “d’en bas” sont dévalorisés depuis toujours, mal payés, les personnes n’y vont pas par choix et subissent donc les stéréotypes de genre portés par notre société. On en revient encore et toujours à un problème social et de lutte des classes…

Delphine Labalec

Je ne voulais pas dire que personne ne choisissais ces métiers, mais pour avoir vu ma mère être serveuse et caissière avec un diplôme de laborantine, dans les années 1980 à 2000 et avoir rencontré ses collègues, je voulais juste signaler que c’était loin d’être souvent le cas (et ça ne veut pas dire que ce sont des métiers dévalorisants, ce sont surtout des métiers dévalorisés, ne serait-ce que financièrement parlant, que beaucoup font plus parce qu’ils ne trouvent pas autre chose).


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