Les règles : encore un tabou !
Article féminin aujourd’hui car concerne presque TOUTES les femmes : les règles. Pour autant, l’article s’adresse à tout le monde. J’aimerais que les garçons et hommes soient plus informés eux aussi de ce qui se passe dans le corps féminin une fois par mois et qu’eux aussi puissent en parler librement.
Pourquoi ce tabou des règles encore aujourd’hui, au XXIe siècle ? Certains me diront : « Mais non, aujourd’hui la parole est libérée, les filles et femmes en parlent librement ». Et bien non, c’est FAUX ! J’ajoute même totalement FAUX. Oui, entre certaines copines, ou dans certaines familles, on en parle très librement. Mais pas partout, et surtout pas DANS la société ! L’exemple le plus criant : avez-vous déjà vu des photos de filles avec une trace de sang ? Moi rarement ou jamais, alors que c’est quand même quelque chose qui revient tous les mois pendant quarante ans dans la vie d’une femme.
Idem dans les films ou séries : les femmes n’ont jamais leurs règles ? Même une série comme Friends qui était vue comme libératrice dans les années 1990 (perso, je ne partage pas ce point de vue) car parlant de sexe entre filles et garçons, ne parle très peu de règles. Alors que les règles sont quand même l’un des ressorts de la sexualité. Au recensement fait par ma sister chérie, grande fan de la série (encore merci !) : trois fois en dix ans !!! Et quand la série en parle, ce n’est pas pour parler du sang !
Et même sur internet, la parole n’est pas davantage libérée : YouTube démonétise les vidéos de Youtubeuses parlant de règles ou de sexualité féminine[1] et Instagram censure les publications sponsorisées montrant du sang[2] ! Enfin, la chose qui m’a toujours énervée : ce sont les pubs pour les tampons et autres : pourquoi ce liquide bleu ? C’est du sang de Schtroumpfette ?
Le tabou vient de l’école et des médias
D’où vient ce tabou, encore présent au XXIe siècle ? Remontons aux origines : l’adolescence. Personnellement, dans ma famille, cela n’est pas tabou. Il y a seulement un mot qui m’énervait plus que tout : « ragnagna ». Évolution de ma famille ou intense lobbying de ma part : je n’entends plus ce mot dans mon entourage ! Puis, le collège. Idem, là avec mes copines, on en parlait facilement : j’avais des camarades, je pense encore à elles aujourd’hui, qui avaient très mal pendant leurs règles. Quelques fois même, elles devaient s’absenter tant la douleur était intense. Elles avaient beau prendre des Spasfon ou Doliprane 1000, cela atténuait à peine la douleur. On en parlait aussi avec les garçons, sans doute moins dans le détail.
Nous avions aussi les cours d’éducation sexuelle. Et là, le sang commence à couler… Étant dans un collège de quartier difficile ou sensible (adjectif pour ne pas dire quartier pauvre avec un taux de chômage avoisinant les plus de 50%), nous vîmes également les différents moyens contraceptifs. Cela peut sembler très bien, mais… si on voyait bien tout, cela restait technique. Et si on abordait la sexualité, les règles étaient seulement évoquées au passage. Ainsi, le côté « humain » n’était pas du tout effleuré. Idem pour la douleur. Nous n’avons jamais eu d’explication pourquoi les règles pouvaient faire aussi mal. Pas d’explication du syndrome pré-menstruel, du jeu des hormones. Rien. Ainsi, nous avions des explications technico-scientifiques sur la sexualité et la puberté mais rien sur les règles en tant que tel.
La connotation négative des mots liés aux règles
Le mot règles, peut évoquer le côté raideur, à quoi il faut se plier. Mais on n’y peut rien, le mot vient de là.
Idem menstrues ou menstruations, on remplace une lettre, et cela peut faire penser à monstre ! Mais pareil, à l’origine, les menstrues faisant référence à la période mensuelle et c’est ce mot qui a donné le mot mois (waouh, une situation féminine a donné un mot !).
Ensuite, certaines personnes emploient des expressions pour dire les règles au lieu de les citer précisément : « ragnagna » (quel horreur ce mot !),
« Les Anglais débarquent ». J’aime beaucoup cette dernière expression pour son côté imagé, mais elle est quand même « sanglante » (désolé pour le jeu de mots) en évoquant une invasion de Rosbifs, ce qui donne un aspect négatif à cette expression.
Ce tabou continu avec les médias audiovisuels, comme je l’ai écrit plus haut. Et encore plus insidieusement dans les pubs qui vantent la liberté qu’offrent leurs produits de menstruation. Parce que c’est vrai, une femme qui a ses règles est quand même libre de partir en week-end, de faire du saut en parachute, etc. Les pubs ne prennent pas du tout en compte que certaines filles ne sont pas en forme pendant leurs règles (humeur et/ou douleur). Et qu’elles n’y peuvent RIEN, c’est hormonal ! Ainsi, le rythme féminin n’est pas du tout respecté : il faut faire comme si les règles n’existaient pas et ne nous provoquaient rien !
Le tabou vient de l’hygiénisme
Enfin, le langage, celui qu’on utilise tous les jours, est le plus perfide pour continuer à perpétuer ce tabou ! Quand les serviettes jetables ont été inventées dans les années 1960, elles auraient dû s’appeler des « couches ». Demandez à vos parents ou grand-mères. Quand j’étais petite, j’étais persuadée que c’était des couches : nous n’étions pas aux serviettes d’aujourd’hui, cela devait faire au moins 4 ou 5 centimètres d’épaisseur (dans les années 1980) ! Mais bien sûr, le mot « couche » n’aurait pas été vendeur. On a donc appelé ça « serviette ». Tiens, un mot par rapport à l’hygiène ! Pourquoi c’est sale les règles !? Et pour distinguer la serviette périodique de celle éponge (ne mélangeons pas les torchons et les serviettes !), l’adjectif « hygiénique » a été accolé ! Alors, là, on ne peut pas se tromper : les marques Always, Nana et compagnie pensent à notre hygiène !
Puis, pour désigner tout ce qui est tampon et serviette, cela a été appelé « protection ». Mais pour se protéger de quoi ? D’une situation qui arrive à la moitié de la planète tous les mois pendant 40 ans ? Ah mais oui, je suis bête, c’est pour se « protéger » de la TACHE ! Et oui, car les règles, ça salit ! Et hop retour à la case départ, les règles, c’est sale donc il faut les cacher ! Ainsi, sous couvert d’hygiénisme et de propreté, on ne doit pas voir quand une fille est réglée. Si on ne le voit pas, si elles ne se voient pas dans la société, les règles restent donc un tabou.
Mais pourquoi ces taches ne sont pas plutôt vues comme la trace de la vie, le signe que tout va bien ? Une fille non réglée est une fille malade ; une fille réglée est, normalement, une fille fertile, qui peut donner la vie ! Françoise-Edmonde Morin explique dans son livre, La rouge différence ou les rythmes de la femme[3], que cette peur du sang vient des hommes puisque pour eux, quand le sang coule, c’est dû à une blessure, d’où un risque de mort. Dans une société patriarcale, le sang ne peut donc être vu positivement ! Grâce à l’hygiénisme, le patriarcat a trouvé une nouvelle cause pour justifier le tabou des règles : auparavant, c’était la religion qui faisait cacher les règles, maintenant c’est « l’hygiène » !
Pour ne pas être encore dans ce système d’un langage insidieux, j’appellerai maintenant mes « protections féminines » des « produits de menstruation ». Et si j’ai une tache, elle se transformera en trace de la vie ! Appelons une chatte, une chatte !
POUR ALLER PLUS LOIN
L’excellent livre féministe de Françoise-Edmonde Morin, La rouge différence ou les rythmes de la femme. Il date des années 1980, mais il est encore d’une actualité troublante. Il n’est plus édité mais se trouve très facilement d’occasion sur internet (exemple ici). Je ferai un article sur le livre entier (un jour) car il aborde de manière très intéressante les thèmes féminins : règles, contraception et maternité.
Sur Instagram, de plus en plus de comptes montrent des photos de filles avec des traces de sang : @irenevrose
@ca_va_saigner
@spmtamere
Pour lutter contre la précarité menstruelle : https://www.huffingtonpost.fr/entry/collectif-appelle-a-saigner-contre-la-precarite-menstruelle-le-15-juin_fr_5d022c16e4b0304a120a8714
Pour rire : http://www.topito.com/top-expressions-beaufs-drague
Les règles à l’étranger : https://miu-cup.com/tout-sur-les-regles-et-le-minou/15-expressions-a-travers-monde-parler-regles/
Astuce contre les douleurs de règles
Cette astuce me vient du blog de Peau Neuve et est simple à mettre en place : tisane de feuilles de framboisier, bio, c’est mieux afin de ne pas ajouter de pesticides, toxines et autres pendant cette semaine mensuelle qui peut être difficile.
Il suffit de laisser infuser les feuilles de framboisier de 5 à 10 minutes selon votre goût.
Si vous n’aimez pas le goût, vous pouvez ajouter du miel (pour avoir du bon miel, achetez-le sur le marché et évitez à tout prix le Lune de miel, vendu en supermarché, c’est l’un des pires !).
Les feuilles de framboisier ont l’avantage de tonifier l’utérus, ce qui permettra à la muqueuse de s’évacuer plus facilement.
NOTES DE BAS DE PAGE
[1] https://www.telerama.fr/television/youtube-blackliste-des-femmes-pour-cajoler-les-annonceurs-encoremercilalgorithme,n5670487.php
[2] Dernier exemple en date avec une des publications sponsorisées de la marque Blinx under wear (culotte menstruelle) où celle-ci a expliqué en commentaire que Instagram et Facebook ont censuré la vidéo montrant du sang rouge.
[3] Françoise-Edmonde Morin, La rouge différence ou les rythmes de la femme, Seuil, coll. « Points », 1982.
Dans mon entourage, au travail, c’est vrai que ça reste un tabou, et quelque chose vu comme sale.
Je me souviens que mon ex n’aimait pas que je parle de ma découverte de la cup, que je lui explique comment je l’utilise, etc. Comme si c’était dégueulasse.
Il y a en effet un vrai travail à faire pour pouvoir en parler librement, sans dégoûter certaines personnes !
Ton témoignage est intéressant, car dans mon entourage, je n’ai pas eu ce problème avec les garçons. Et heureusement que cela ne dérange pas mon compagnon, car j’en parle souvent 🙂 ! Après, je l’avais mis au parfum très vite 😉 ! En revanche, mes collègues masculins qui me lisent m’ont fait des remarques intéressantes sur cet article, mais ils me les ont envoyées en message privé ! Pudeur de leur part ?
Hello !
Ton article a le grand mérite d’aborder un sujet auquel je n’avais jamais songé, le fait qu’en utilisant le mot “protection”, cela sous-entendait que les règles était sales.
Bien que je partage beaucoup ton point de vue sur le tabou des règles (le fait d’en parler difficilement en société par exemple), j’avoue que je bugue un peu sur cette notion qui associe protection à quelque chose de sale.
Comme je te l’ai dit sur Instagram, c’est vrai que j’utilise le mot de “protéger” lorsque je fais un henné pour éviter les coulures. De même, je peux mettre un tablier en cuisine pour me protéger des projections de nourriture.
Je ne considère pas du tout cela comme sale MAIS c’est bien mieux dans la poêle que sur mon jean :p
Concernant les règles en elles-mêmes, puisque c’est le sujet, oui quand je les avais (merci l’implant, elles ont disparues et les douleurs avec ^^), je protégais mes culottes avec une cup pour éviter de les tâcher. ça me paraît logique. ça ne veut pas dire que c’est sale mais juste que ça … tâche. Comme les mûres qu’on cueille, comme de la terre, comme les pattounes trempées de nos chats …
Tu disais à juste titre que le terme protection était à la base utilisé pour se mettre à l’abri d’une agression (et mon exemple, utilisé en privé, des lunettes de soleil abonde dans ton sens !!). En cela, je te rejoins absolument et c’est vrai que je n’y avais jamais songé.
Néanmoins, on se protège au quotidien de beaucoup de choses qui ne sont pas réellement sales mais qui peuvent juste tâcher et cela peut nous ennuyer selon le contexte.
Je pense que je vais continuer à utiliser le terme de protections périodiques mais ton article met le doigt sur une question intéressante et je t’en remercie 🙂
A bientôt !
Bonsoir Marion,
Je te remercie de ton commentaire qui m’a fait de nouveau réfléchir sur le terme « protection » et rechercher dans le dico 😉 !
Le premier sens de « protection » est bien un sens fort : se mettre à l’abri du danger, d’une agression. Le sens dont tu parles est un sens plus récent (XXe siècle), pour dire « se préserver ». Même si ce sens est plus positif, je le trouve quand même encore fort face aux traces de règles. Ce qu’il faudrait voir, mais là, il faudrait faire des recherches littéraires, c’est à partir de quand, le terme de « protection » est apparu. Est-ce au moment où on a inventé les produits menstruels (début du XXe) ou est-ce qu’il existait avant ?
[…] La partie importante est sur les règles. Certains aspects de cette partie ont toutefois vieilli, notamment sur le tabou des règles entre mère et fille, et sur l’information des filles aux règles. Maintenant, les jeunes filles (heureusement !) sont beaucoup mieux informées qu’auparavant. Pour autant, cette partie m’a interrogé sur notre société actuelle et notamment sur cette peur du sang, de la tache trace de vie. Ainsi, le tabou des règles dans notre société est encore important (mon article à ce sujet en cliquant ici). […]