Livre La Rouge différence ou les Rythmes de la femme

Livre La Rouge différence ou les Rythmes de la femme

     Nouvelle rubrique sur le blog : mes coups de cœur livresques.
Pas de roman dans cette rubrique (ils sont répertoriés sur Instagram ou Facebook
avec le hashtag #livrecrevettediplomate) mais des essais qui ont fait avancer ma réflexion
sur le monde, notre société, l’environnement, voire qui ont changé ma vie pour certains.

La rouge différence
ou les rythmes
de la femme

Je commence avec un livre féministe. Cet article devait paraître le 8 mars pour revendiquer les droits des femmes, mais l’actualité a fait que tout est parti à vau-l’eau (Césars, pandémie et émeutes raciales) ! Ne voulant pas vous inciter à utiliser internet avec l’envoi postal pendant le confinement, j’ai donc attendu le déconfinement pour vous le proposer.

Livre Françoise-Edmonde Morin

Ce livre est La Rouge différence ou les Rythmes de la femme de Françoise-Edmonde Morin, paru au Seuil en 1982 ! Oui, ce livre est vieux pour un essai (même si dépassé 35 ans, ce n’est pas du tout vieux mais jeune sealed !), mais c’est pour cela qu’il est aussi intéressant : c’est que 85 % du livre est encore d’actualité. En sachant qu’il fait à peine deux cents pages, c’est une mine d’informations et de réflexions ! Il n’est hélas plus édité, ce que je ne comprends pas au vu des sujets toujours pertinents à l’heure actuelle ! Mais je ne désespère pas qu’un éditeur suite à ce billet le réimprime (et je veux bien écrire la préface wink !). Si je vous en parle quand même, c’est qu’il se trouve très facilement sur internet (c’est de cette façon que je me le suis procuré !).

 

Pour résumer très succinctement, la contraception occupe un quart du livre, puis le reste met en avant les grands moments de la vie d’une femme : les règles, la maternité et l’accouchement, sans oublier des réflexions sur la place de la femme dans la société actuelle.

Ce livre est composé de sept chapitres.
• Rythmes
• Les hommes et les règles
• Les règles : en avoir ou pas
• Variations
• La contraception
• La maternité
• Contre-chant

Françoise-Edmonde Morin

Journaliste, sociologue, coordinatrice de projet (état des lieux des ports de l’Est Calvados) et secrétaire privée de Michel Foucault de 1978 à 1984, Françoise-Edmonde Morin est aujourd’hui présidente de l’association Femmes du Littoral Basse Normandie. En 2017, elle a monté l’exposition Femmes sur le littoral présentée à Villerville (Normandie) pour montrer l’importance du travail des femmes pêcheuses et de pêcheurs.
Elle a écrit deux essais féministes publiés au Seuil :
La Rouge différence ou les Rythmes de la femme (1982)
Petit manuel de guérilla à l’usage des femmes enceintes (1985)

Le livre

Les règles : un morceau important du livre

La partie importante est sur les règles. Certains aspects de cette partie ont toutefois vieilli, notamment sur le tabou des règles entre mère et fille, et sur l’information des filles aux règles. Maintenant, les jeunes filles (heureusement !) sont beaucoup mieux informées qu’auparavant. Pour autant, cette partie m’a interrogé sur notre société actuelle et notamment sur cette peur du sang, de la tache trace de vie. Ainsi, le tabou des règles dans notre société est encore important (mon article à ce sujet en cliquant ici).

Françoise-Edmonde Morin réfléchit à l’information que les filles reçoivent lors de leurs premières règles qui vont devenir des « vertus » féminines. Il faut apprendre la douleur (beaucoup de filles ont encore des règles douloureuses au XXIe siècle) et surtout la patience : il faut apprendre à vivre avec, cela changera avec le mariage et/ou la première maternité. Notre essayiste s’interroge aussi sur cette part d’hygiénisme qui fait que même les femmes rejettent leur sang et ne veulent surtout pas le mêler, le toucher. Selon elle, c’est un rejet de notre corps, de notre animalité : l’être humain est au-dessus des animaux. Et les règles sont le rappel que nous ne sommes que des mammifères ! Dur à encaisser pour des humains imbus d’eux-mêmes.
Une autre question qui m’a intéressée car là, elle est encore très taboue dans notre société : ce sont les relations sexuelles pendant les règles ! Notre essayiste interroge un échantillon de personnes, et j’ai l’impression que dans les années 1950-1960, les gens faisaient davantage l’amour pendant les règles, même si cela relevait de l’intime et d’une relation de confiance. Cependant, l’amour pendant les règles a le très gros avantage que la fille ne tombe pas enceinte !

La contraception : la partie encore totalement d’actualité

J’avais déjà un peu parlé de la conception de la contraception de Françoise-Edmonde Morin dans mon article « La pilule, une contraception totalitaire » (pour le lire, cliquez ici). Elle voit en effet dans celle-ci un totalitarisme du fait qu’elle ne laisse pas libre la femme (on doit la prendre tous les jours ET à heures fixes) et qu’elle a de multiples effets secondaires (et oui, déjà ! Déjà pointés du doigt au début des années 1980 !!!), sans oublier le problème que la pilule est fabriquée par les laboratoires, qui plus est détenus par des hommes (encore aujourd’hui !) et qui oblige ainsi la femme à payer un certain prix sa contraception. Encore aujourd’hui, certaines pilules ne sont TOUJOURS pas remboursées par la Sécurité sociale et/ou les mutuelles !

En outre, selon Françoise-Edmonde Morin, si la pilule a été aussi facilement accepté par les hommes, alors qu’a contrario, l’avortement a été plus long a être légalisé (1967 versus 1975, presque 10 ans !), c’est tout simplement que la pilule permettait de se débarrasser du seul défaut de la main-d’œuvre féminine : la grossesse ! Dans ces années 1960 françaises, en effet, le besoin de main-d’œuvre est grand, et les femmes rentrent en masse dans l’emploi salarié tertiaire. Les femmes sont préférées aux hommes car c’est une main-d’œuvre moins chère, plus servile, moins encline à faire grève (ce qui est encore le cas aujourd’hui !) ! Ainsi, supprimer le seul défaut de cette main-d’œuvre par un petit médicament, est attrayant.

Et la pilule a ainsi été très vite acceptée par la société française comme le montre les prescriptions de pilule à des filles très jeunes (dès 13 ans !) et les chiffres de prise de pilule : 10 ans après l’autorisation de la pilule, sa prise est passé de 60000 femmes à 2,6 millions[1] ! En 2013, c’était 80 % des filles des 20-24 ans qui la prenaient[2] !

L’accouchement : aucune évolution depuis les années 1980

Concernant l’accouchement, Françoise-Edmonde Morin déplore leur manque d’humanité et la non-écoute du corps de la mère. Selon elle[3], tout est fait pour faciliter la vie du corps médical et non celui de la mère, comme la position de l’accouchement avec les étriers qui n’est pas du tout naturel et ne facilite même pas le travail. Presque quarante ans plus tard, nous en sommes encore au même stade, la remise en cause de cette position commence seulement dans les milieux informés.

Un des autres points très intéressants de son développement est sur la présence du compagnon pendant l’accouchement. Elle n’est pas contre, mais préférait que ce soit une femme (amie, sœur, cousine) qui accompagne la parturiente (femme qui accouche). En effet, selon notre essayiste, l’homme aura tendance à écouter les médecins, l’autorité, et non sa femme. Et je pense qu’elle a raison, car lorsque plusieurs femmes de mon entourage m’ont raconté leur accouchement, elles m’ont bien fait part que leur compagnon était totalement perdu face à leurs douleurs. Tandis que l’avantage d’une femme, qui a déjà accouché, c’est qu’elle sait comment l’accouchement se passe et qu’elle peut voir si une pratique est oui ou non mauvaise. Bon, on n’en est pas encore du tout là aujourd’hui, alors en attendant les filles, briefez bien votre compagnon avant l’accouchement !

Le dernier point qui m’a interpellé est celui du placenta. En effet, Françoise-Edmonde Morin déplore que celui-ci est utilisé sans demander à un seul moment l’avis à la mère. Pire, apparemment, avant les années 1980, les hôpitaux le revendaient pour les laboratoires de recherche ou de cosmétique !!! Rassurez-vous, cette pratique ne se fait plus (normalement !) car le sida est passé par là, et par crainte de sang contaminé, le placenta est traité comme un déchet biologique, c’est-à-dire pour être plus terre à terre : mis dans une poubelle avant d’être brûlé ! Et là, je ne m’étais jamais posé la question, mais je me suis dit suite à cette lecture, que si j’accouche un jour, cela me gênerait qu’on mette mon placenta à la poubelle, c’est quand même ce qui nourrit l’enfant pendant la gestation. Dans d’autres cultures, ils l’enterrent, voire ils plantent un arbre par-dessus[4], certaines mères le mangent, (il serait bourré de vitamines, minéraux, hormones bonnes pour le post-partum etc.) ou ils le brûlent mais en célébrant quelques rites, bref, ils ne le mettent pas à la poubelle comme un vulgaire déchet ! En France, si des parents souhaitent récupérer le placenta, ils ne peuvent même pas, car c’est interdit par la loi[5] !

 

Voici donc les grands traits de ce livre, important à mes yeux. Je n’ai pas évoqué toutes les pensées de Françoise-Edmonde Morin car ce livre en est vraiment riche. Un seul conseil : lisez-le ! Il se lit facilement, et pour 200 pages, c’est une mine de réflexions !

Bon à savoir

Aujourd’hui, on peut faire don du sang placentaire car il contient beaucoup de cellules souches hématopoïétiques comme celles qui constituent la moelle osseuse. L’avantage de ces cellules est qu’elles sont plus immatures, elles sont donc plus facilement acceptées par le corps du receveur. Le don peut également servir à la recherche médicale.

Où trouver La rouge différence ou les rythmes de la femme ?

Je conseille le site Abebooks (www.abebooks.fr) pour éviter le grand méchant Amazon. Il recense plein de librairies d’occasion françaises, anglaises et allemandes. Pensez seulement à comparer les frais de port !
https://www.abebooks.fr/servlet/SearchResults?sts=t&cm_sp=SearchF-_-home-_-Results&an=&tn=La+Rouge+diff%E9rence&kn=&isbn=

POUR EN SAVOIR PLUS

Sur Françoise-Edmonde Morin

Sur les règles

Sur la pilule

Sur l’accouchement

Sur le placenta

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Merci pour cet article qui donne bien envie de lire ce livre, et c’est chouette de faire vivre les livres de fonds, psuvent éclipsés par la (sur)production de nouveautés. D’autant que comme tu le dis, cet essai et son propos toujours au goût du jour et mettent en perspective l’actualité ! De manière édifiante, comme les essais féministes de Barbara Ehrenreich et Deirdre English, dont je te parlais sur Instagram, eux aussi parus dans la seconde moitié du 20ème . Les faits ont changé, mais pas forcément leurs héritages sexistes et préjugés enracinés ; et elles rappellent que si les choses ont bougé… c’est notamment grâce aux mouvements qu’ont permis leurs travaux et la mise à disposition de connaissances culturelles, historiques, biologiques, sociales. L’accès aux savoirs est un puissant vecteur d’émancipation, d’égalisation et d’engagement. “Savoir c’est pouvoir” comme tu le démontres sur ton blog 😉

Magali

L’article que tu cites concernant l’enterrement du placenta est très intéressant (et nous sort un peu de notre européo-centrisme habituel, parce que la Polynésie, “française” du fait de la colonisation, conserve, on le voit, des traditions propres). D’ailleurs, c’est presque certain qu’en creusant un peu, des pratiques populaires existaient aussi en Europe, en remontant un peu dans l’histoire, j’avais lu des choses intéressantes sur les bébés nés coiffés, dont la mère gardait précieusement cette partie de la poche de liquide amniotique.
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https://fr.wikipedia.org/wiki/Coiffe_c%C3%A9phalique
Coiffe céphalique — Wikipédia
La coiffe céphalique est la partie de la poche des eaux qui recouvre la tête du fœtus au moment de l’accouchement.Un bébé né coiffé est un enfant venu au monde entouré d’une partie ou de la totalité de la poche de liquide amniotique.La coiffe est sans danger et aisément ôtée par le médecin ou la sage-femme. Superstitions associées. Selon l’Histoire Auguste, la coiffe était …
fr.wikipedia.org
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Moi j’avais étudié cette pratique avec les Benandanti, étudié par Carlo Ginzburg (des hommes bienveillants accomplissant des rites de fertilité et s’opposant aux sorciers, être malveillants que l’Inquisition accusait de pratiques sataniques). Son livre est :
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https://fr.wikipedia.org/wiki/Benandante.
Benandante — Wikipédia
Un benandante (celui qui va pour le bien) était un membre d’un culte agraire de la fertilité, dans la région du Frioul en Italie du Nord, pendant la Renaissance.Entre 1575 et 1675, les Benandanti furent accusés d’hérésie par l’Inquisition Romaine.Les Benandanti affirmaient voyager en esprit pendant leur sommeil afin de lutter contre les mauvais sorciers dans le but de protéger les …
fr.wikipedia.org
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Et, évidemment, ce que tu évoques sur l’accouchement, j’y suis particulièrement sensible en ce moment! J’ai d’emblée regardé le lien vers le 2è bouquin de Françoise-Edmonde Morin (dont Sylvie Brunel a repris le titre presque mot pr mot, ds un livre de 2009).
Et c’est déjà ton troisième article féministe! Sur des sujets proches et complémentaires (ils ont à chaque fois été des mines d’informations pour moi!).


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