Les caisses automatiques doivent passer à la caisse !
Haro sur le travail au noir, haro sur le travail au black ! Tous les gouvernements français successifs se disent scandalisés et veulent lutter contre cette perte d’argent pour les caisses de l’État : ni TVA, ni cotisations sociales, salariales, ni assurance-chômage ! C’est grave ! En ligne de mire : le secteur du BTP (bâtiment et travaux publics) et la restauration. C’est pourquoi la décennie précédente a vu une baisse de la TVA dans ces deux secteurs pour « lutter » contre le travail au noir.
Pourtant, ces secteurs ne sont pas les pires pour le travail dissimulé, même si le BTP est bien placé, surtout dans les métropoles avec le nombre croissant de travailleurs étrangers non déclarés (allez sur un chantier d’immeuble dans une grande ville et vous comprendrez vite !). Mais le BTP n’est pas le premier secteur de travail dissimulé, les gouvernements en oublient un, et de taille : les caisses automatiques !
Elles sont apparues dans les années 1990, discrètement d’abord, pour aujourd’hui tout envahir : péage, supermarché, cinéma, poste, banque, transport collectif, restauration rapide, essence… Elles sont partout (10000 caisses automatiques rien que pour la grande distribution alimentaire[1] !) ! La France est même la championne du monde des caisses automatiques[2].
L’invasion des caisses automatiques
Pourquoi une invasion aussi rapide ? Tout simplement parce que pour les entreprises, une caisse automatique ne coûte même pas l’équivalent d’un an de salaire d’un caissier[3], et après son achat, il n’y a rien d’autre à payer : ni salaire, ni cotisation ou autre… Et surtout… le jackpot : arriver à faire travailler gratuitement le client ou l’usager !
En effet, quand vous êtes à la caisse automatique d’un supermarché, vous faites le travail du caissier. C’est pourquoi à l’arrivée de ces caisses dans les supermarchés en 2005, il y avait des files d’attente excessives[3] puisque les clients n’étaient pas habitués à ce travail ! Ce problème de manque à gagner a été résolu par cette parade : les caisses automatiques, aujourd’hui, ne sont seulement plus que pour les paniers de moins de dix articles.
Si passer un code-barres semble simple, il faut connaître l’endroit où le passer, le passer à une certaine vitesse pour que le flashage passe bien, sans oublier la vitesse de passage des articles (les caissiers en France sont chronométrés). Bref, comme ma famille dit : « Chacun son métier ! ». Et ceci pour toutes les caisses automatiques : à CHAQUE fois, dès que vous tapez sur un écran de caisse, vous faites le travail de quelqu’un, moins bien certes, mais GRATUITEMENT !
Le faux temps gagné
Le plus fort dans le passage aux caisses automatiques est que les directeurs de magasins ou d’agences ont réussi à nous faire croire que cela nous faisait gagner du temps : mais c’est faux ! Le temps qu’on trouve où taper et de taper, le personnel qualifié a déjà enregistré la transaction ou passé la commande. Et encore, je ne parle même pas des multiples erreurs et de carte qui ne passe pas !
Du travail gratuit qui chiffre vite
Ce travail gratuit peut chiffrer vite. Comptons cinq minutes supplémentaires pour une caisse automatique par rapport à une caisse avec un caissier ou un guichetier. Cela vous semble peut-être beaucoup pour le péage ou le guichet de la Poste, mais il y aura toujours quelqu’un devant vous qui ne saura pas faire marcher la machine, ou qui aura un problème avec sa carte bleue, ou autre problème qui nécessitera l’interaction d’une personne humaine (et qualifiée !).
Prenons une journée où :
- vous passez à La Poste acheter des timbres ou déposer un colis ;
- vous faites vos courses en supermarché ;
- vous prenez un billet pour un transport en commun (ou vous passez au péage) ;
- vous cherchez de l’essence (pour rappel, avant les années 1990, il y avait des pompistes qui nous servaient !) ;
- vous allez au fast-food ;
- avant de vous faire un cinéma.
Comptez cinq minutes fois ces six passages en caisse automatique où vous avez fait le travail de quelqu’un d’autre, et sans aucune contrepartie : nous sommes déjà à trente minutes ! Une demi-heure de travail dissimulé !!! Bien sûr, ce n’est pas tous les jours, mais comptons une demi-heure par semaine :
- une demi-heure par semaine x 30 millions de Français actifs = cela fait déjà : 15 millions d’heures par semaine
- sur une année, 15 millions x 52 semaines = 780 millions d’heures
On a 780 MILLIONS d’heures de travail dissimulé ET gratuit par an !!! C’est énorme comme perte de rentrée d’argent dans les caisses de l’État ! Pour rappel, dans une année, à 35 h, vous travaillez environ 1800 heures (je compte avec les congés payés et les jours fériés). Imaginez le nombre de chômeurs qui pourrait diminuer en embauchant seulement même la moitié de ce temps de travail (je vous laisse faire le calcul !) !
Caisse automatique = travail illégal
Ce qui est étrange est que cela ne dérange aucunement les inspecteurs du travail ou l’URSSAF qu’on fasse du travail gratuitement sans aucune déclaration, alors qu’ils savent montrer du zèle ailleurs (rappelez-vous cette histoire dans un bar où les clients ramenaient leurs verres vides au comptoir, et que les inspecteurs l’ont perçu comme du travail dissimulé[4]!). Cela me dépasse d’autant plus qu’on est dans une période de chômage de masse. Pourtant, rien n’est fait pour lutter contre ce travail illégal. Oui, illégal car personne n’est rémunérée ! Et cela ne peut même pas être qualifié de service puisque nous n’avons même pas le droit à une réduction sur le produit acheté.
Pourtant, en tant que gouvernement, il serait facile d’imposer ces caisses comme un salarié, ou de tout simplement les taxer. Cette taxe permettrait soit de financer les cotisations sociales, soit de dissuader les entreprises d’acheter encore davantage de caisses automatiques. Alors si les gouvernements français veulent s’attaquer au travail au noir qu’ils le fassent mais en passant aussi à la caisse automatique !
Et ailleurs
Aux États-Unis, les caisses automatiques ne sont pas légion ! Au péage, ce sont encore des personnes, pour l’essence aussi, et dans certains supermarchés, il y a même deux caissiers par caisse : un pour passer les articles, un pour les emballer ! Et même la machine au café, qui se trouve partout dans les grosses entreprises françaises, existe très peu aux États-Unis. La plupart des employés, à New York (je ne connais pas dans les autres villes), descendent au Starbucks du coin faire leur pause café ! Ceci peut s’expliquer par l’attachement des Américains à la notion de service et de confort.
Pour en savoir plus
Augmentation des vols avec les caisses automatiques : https://www.nouvelobs.com/economie/20190129.OBS9285/caisses-automatiques-les-supermarches-confrontes-a-une-hausse-des-vols.html
Avis de blogueurs
- Sur le non gagne-temps des caisses automatiques : https://lepetitmondedebidule.blogspot.com/2012/07/les-caisses-automatiques.html
- Un avis contraire : « Pourquoi je choisis systématiquement les caisses automatiques » (https://borispaing.com/vrac/caisses-automatiques-chomage/)
Notes de bas de page
[1] https://www.lsa-conso.fr/en-dix-ans-les-caisses-automatiques-ont-trouve-leur-place-aupres-des-clients,175795
[2] https://www.businesscoot.com/fr/page/le-marche-des-caisse-automatique
[3] https://www.lemonde.fr/economie/article/2009/04/20/face-aux-automates-les-caissieres-font-de-la-resistance_1182930_3234.html
[4] https://www.letelegramme.fr/ig/generales/regions/morbihan/urssaf-rapporter-son-verre-au-bar-un-travail-dissimule-18-12-2013-2342024.php
Que faire ?
C’est simple, évitez au maximum les caisses automatiques.
Perso, quand on ne veut pas me servir à une vraie caisse, je demande s’il y a une ristourne comme je fais le métier de quelqu’un d’autre (ça fait sourire les employés), et comme ce n’est pas le cas, je pars (bon, pas toujours évident quand vous voulez à tout prix voir tel film, ou que vous vous retrouvez à 23 h au seul Quick du coin et que vous avez faim !).
Au péage, depuis un lustre, cela devient carrément impossible d’éviter les caisses automatiques.
Enfin, la plupart des banques ont réussi le tour de force de nous faire payer en plus si on se présente à l’accueil retirer de l’argent (le nôtre qui plus est !).
Voilà pourquoi au supermarché j’évite les caisses automatiques. Mais ailleurs (essence, péage…) difficile d’y échapper !
Oui, très difficile ! Et cela devient de pire en pire ! Par exemple, à la gare de Quimper ou d’Auray, les guichets n’ouvrent pas avant 9h !!! Alors que la plupart des usagers prennent le train bien avant !
Bonjour !
Merci pour cet article et cet avis . J’ai bien apprécié lire aussi l’article avec avis contraire car pour moi c’est aussi compliqué que cela : ni très négatif ni très positif. D’un côté je suis contre la déshumanisation et la quête du profit non éthique, mais d’un autre coté, du haut de mon handicap je vois que je suis entièrement pour la suppression des emplois pénibles et déshumanisant (ce qu’est devenu le job de caissière notamment dans les chaînes Monoprix Casino où TOUT est calculé à la milliseconde près….)
J’évite les caisses automatiques uniquement parce que ça me marque toujours une « erreur » au bout d’un passage d’article ou d’une carte de fidélité pas reconnue (le pire c’est à la poste, la bonne blague je n’ai JAMAIS eu une seule fois sans demander de l’aide alors que j’ai 28 ans je sais me servir d’un ordi !! ^^’) donc ça représente une perte de temps dans mon esprit.
Bien à toi,
@Tassa de @tassadanslesmyriades 😉
Bonjour Tassa,
merci de ton retour. Tu as raison, je n’évoque pas la suppression de tous les métiers pénibles. Et de ce côté-là, il n’y a pas à discuter : la robotisation est un énorme plus. Non, ce qui me dérange, c’est qu’on est dans une société où il faut qu’on travaille pour (sur)vivre. Et j’en veux à l’hypocrisie gouvernementale, qui insiste toujours et toujours sur la valeur travail, alors qu’avec la robotisation en cours, il n’y aura plus assez de travail pour tout le monde. Ne nous leurrons pas, nous ne sommes qu’au début de la robotisation de masse. Nous sommes à un tournant de la société : soit, il faut accepter qu’il n’y ait plus assez de travail pour tout le monde, et s’arranger pour que les gens travaillent moins tout en conservant leur niveau de vie, soit refuser la robotisation… Perso, je suis pour la première solution 😉 !
Plein de gens pensent comme vous, un ancien directeur de l’urssaf du nord a même interpellé les candidats à la présidentielle en 2012, la suisse réfléchit à taxer les caisses automatiques depuis 2017, on en parle dans les manifs contre la réforme des retraites (slogans, banderolles) … et silence radio des médias français qui « déplorent » le déséquilibre entre retraites et cotisations ! Peut-être qu’une bonne pétition pourrait faire évoluer les choses dans le bon sens ? En tout cas, bravo pour votre article que je me suis empressé de partager !
Bonjour Michel,
je ne savais pas qu’un directeur de l’Urssaf du Nord avait interpellé les présidentiables de 2012… 2012, il y a plus de 5 ans déjà, et rien dans le débat public. Oui, une pétition pourrait faire bouger les choses, mais il faut qu’elle soit de grande envergure pour que les médias la relayent justement. Je connais assez bien la Suisse, et tout ce qu’on voit dans les médias français à propos de ce pays, c’est leur référendum populaire, mais toujours avec les mauvais exemples (et jamais les bons, je ferai un article à ce sujet un jour).
Je vous remercie de me partager, et je suis contente que l’article vous ait plus à ce point. Cela me fait toujours plaisir de savoir que je ne suis pas la seule à penser comme cela 😉 !
Et à ce jour, les cotisations retraite ! Facile de tourner la tête vers le portefeuille garni, plutôt que vers le problème….. À bon entendeur.
Bonjour Rodolphe,
oui, c’est ce que je déplore avec la politique française, c’est qu’elle n’est pas assez pragmatique. Et surtout qu’on essaye de mettre des pansements sur des jambes de bois au lieu de résoudre le problème à la base, et ce dans tous les domaines !
J’avoue que j’utilise les caisses automatiques (les rares fois où je vais au supermarché, je n’y achète pas grand-chose), notamment quand il n’y a pas assez de personnes qui font le travail et que je veux aller vite. Mais avec le coronavirus, on reconsidère le fait d’aller vite, pas vrai ? ^^
j’ai du mal à prendre position dans le débat car les emplois type caissier-e sont des emplois inhumains pour moi… J’ai travaillé 3 semaines à Mcdo, on avait des chrono sur les caisses, nous avions 30 secondes pour prendre une commande et 1min30 pour servir… LOL ! En plus, les clients étaient irrespectueux. Franchement, je n’ai pas pu rester. Quand je fais travailler (et c’est rare) des gens à la caisse dans un fastfood ou supermarché, je culpabilise. Mais effectivement, les caisses automatiques, c’est aussi un problème…
A quand les campagnes de com’ « soyez sympa avec votre caissier.e préféré.e 🙂 » ?
Oui, comme toujours c’est un épineux problème. En fait, ce que je reproche avec les caisses automatiques, c’est qu’on nous dit qu’il faut qu’on travaille, que le chômage, c’est mal, etc. Mais, l’automatisation fait qu’il y a moins d’emplois. Et le comble est qu’avec la réforme de l’assurance-chômage (mise en stand-by avec la crise), on touchera moins d’argent alors que ce n’est pas de notre faute si on se retrouve au chômage. Au bout d’un moment, il faudrait peut-être se poser la question soit du temps de travail, soit du chômage au sens où cela devrait devenir normal (sans stigmatisation) d’avoir des temps de pause dans sa carrière puisqu’il n’y plus assez d’emploi pour tout le monde.
Ah oui le McDo… perso, ça a été aussi ma pire expérience. Ce chronométrage rend fou. Et si t’as des mauvais managers, c’est l’horreur. J’ai préféré l’usine. Le seul point positif du McDo, c’est une des seules boîtes où il y a une énorme mixité sociale !
[…] toujours pas compris comment puisque je fais le travail de quelqu’un d’autre en les utilisant (mon article à ce sujet en cliquant ici)). Pourtant, ils se révèlent un vrai nid à microbes puisqu’il y a je ne sais combien de […]
Excellent article.
Mon Monoprix impose à ses clients le passage en caisse automatique après 18 h ou après 19 h. Et parmi les salariées du magasin qui surveillent les usagers de ces caisses, aucune ne se déplace volontiers pour venir vous aider, et aucune ne vous indique que votre carte de fidélité peut aussi être scannée… Je suis sorti très amer de cette expérience.
Attention à la construction syntaxique de ce passage :
« les caisses automatiques, aujourd’hui, ne sont seulement plus que pour les paniers de moins de dix articles » : il y a pléonasme dans « ne… seulement que… » (et même dans « aujourd’hui… ne… plus… »).
Écrivez plutôt :
Merci ! Bonne remarque pour la carte de fidélité, je n’y avais pas pensé !
Et merci pour la correction syntaxique… que je ne peux pas corriger, car c’est un vieil article et je n’arrive plus à accéder à la construction de cette page 🙁 ! Il doit y avoir un moyen, mais il faut que je trouve !