Pensons plus loin : supprimons la voiture (dernière partie)

Pensons plus loin : supprimons la voiture (dernière partie)

Pour retrouver la 2e partie
Comment se déplacer dans un monde sans voiture ?
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3e partie
Parlons sou-sous !

Après avoir vu pourquoi il fallait supprimer la voiture pour un coût environnemental et d’égalité sociale, et comment se déplacer sans celle-ci grâce à des transports plus efficients même à la campagne, voyons combien coûtera à la collectivté et aux ménages cette mesure politique forte pour une société plus juste.

La suppression des voitures n’est pas synonyme de perte d’emplois

     Si nous avons trouvé des solutions à toutes les situations de déplacement, il reste un contre-argument sur la suppression de la voiture, c’est le travail ! Et oui, le secteur automobile est un secteur qui embauche… mais pour combien de temps encore dans les faits?! On va me parler du sacro-saint emploi mais en vérité, les usines automobiles françaises disparaissent d’année en année. Par exemple, les effectifs de Renault ont diminué de 10000 salariés en France entre 2007 et 2018[1]. Combien d’usines Renault ont fermé depuis sa privatisation en 1996 ?! Et avec la crise actuelle, je pense que la tendance va continuer. Combien de modèles phares des marques ne sont déjà plus produites en France : la Clio, la 208[2]… Alors qu’on ne vienne pas me dire que supprimer les voitures va supprimer des emplois !

     En outre, si la voiture est supprimée, il ne faut pas oublier que celle-ci sera remplacée par autre chose : il y aura toujours des trains, des bus, des mini-bus. Enfin, il y a le vélo. Et là, remplacer les dernières usines automobiles par des usines cyclistes serait stratégique car nous n’avons plus une seule usine de fabrication de vélos en France !!! Et en assemblage, il n’y a plus qu’une usine, à ma connaissance : celle de la Manufacture française du cycle (anciennement Gitane). Donc, si la production de vélo se relocalise, s’il faudra davantage de matériel ferroviaire (Bombardier a une usine dans le Nord de la France), les emplois automobiles perdus seront remplacés.

Les gains indirects de la suppression de la voiture

     Par ailleurs, le transport collectif génère davantage d’emplois que l’industrie automobile (oui, cela peut paraître paradoxal) tout en coûtant moins chère à la collectivité et en lui donnant d’autres bénéfices comme une stabilité du prix du logement, moins d’embouteillages[3] donc moins de pollution ! Quand on connaît le coût de la pollution automobile sur les finances de l’État, il n’y a presque plus de questions à se poser sur la suppression de l’automobile ! En 2018, le coût de la pollution automobile s’élevait à 22 milliards de livres (presque 26 milliards d’euros) pour l’Angleterre[4]. En France, le coût doit être plus élevé puisque la pollution atmosphérique (dont une grande partie vient du trafic routier) était de 100 milliards[5].

     De même, indirectement, la suppression de l’automobile arrêtera l’inflation du coût des logements. Cela peut paraître étrange comme conséquence, mais il faut savoir que plus les gens peuvent se déplacer, plus les logements augmentent car les cadres supérieurs et autres riches hésiteront moins à faire des kilomètres pour avoir un bon boulot tout en habitant dans un meilleur cadre. En outre, la place gagnée sur toutes les places de stationnement des voitures (tours de parking, garage, etc.) permettra de dégager plus de place pour construire/agrandir des logements. Je l’avais déjà signalé dans un précédent article sur le covid-19 (« La pandémie renforce la réflexion écologique actuelle ») : il n’est quand même pas normal que des parkings prennent autant de place et se retrouvent inutiles quand il n’y a plus personne dessus, ce qui représente le plus souvent la moitié du temps ! De même, si la campagne est moins accessible en voiture, le parc des maisons secondaires ralentira, ce qui permettra aux gens du cru de pouvoir se loger chez eux.

Les parkings : de la place prise bêtement.

Photo du parking de l’hôpital Laënnec à Quimper,
prise le 9 mai 2020 pendant le 1er confinement.
Imaginez le nombre de logements qu’il pourrait y avoir, ou d’espaces verts
à la place d’un parking utilisé, en temps normal, que la moitié du temps.

Financer la suppression de la voiture

     Un autre contre-argument de la suppression de la voiture est combien coûtera la suppression de l’automobile ? Pour l’individu ? Pour l’argent public ? Et bien rien, ou presque rien !!! Vous avez du mal à y croire, laissez-moi vous présenter le calcul.

     Déjà, si vous n’avez plus de véhicule, vous économisez en moyenne 7000 € sur votre budget (somme qui risque d’augmenter d’année en année avec l’augmentation de l’essence ou l’obligation de passer à l’électrique).

     Ensuite, vous allez me dire, le train, c’est bien beau écologiquement, mais c’est cher. Oui, à l’heure actuelle, mais si les politiques mettaient autant d’argent dans le train qu’ils mettent dans l’avion (voir mon article « Le low-cost : à quel prix ? » en cliquant ici), et bien nous aurions des trains avec des prix encore moins chers que les avions low-cost ! Exemple le plus parlant : à Quimper, il y a eu 3 millions d’euros de débloqués par AN[6] pour l’aéroport qui n’est pas rentable et qui n’est à même pas 100 kilomètres de ceux de Brest et Lorient ! Donc avec 3 millions d’euros, vous pouvez en acheter des billets de train pour la population locale ! Et Quimper n’est pas le seul aéroport où les collectivités mettent (trop) la main à la poche pour l’avion.

     Enfin, pour financer les voies ferroviaires, ce sera tout l’argent pour l’entretien des routes qui iront dans le ferroviaire. En effet, moins de circulation, moins besoin d’entretien des routes. De même, une route cyclable coûte beaucoup moins cher à entretenir qu’une route « classique » comme les vélos sont plus légers et moins polluants. Officiellement (selon le lobby automobile Union Routière de France), notre système routier coûte actuellement environ 14 milliards par AN… Cela est déjà une belle somme, même pour un budget étatique ; pourtant ce chiffre ne prend pas en compte le coût de l’insécurité routière, où là, nous sommes à 50 milliards par an entre le coût des morts, des blessés, des assurances, etc.[7] !!! Toujours sur l’insécurité, le coût de la sécurisation des routes est énorme quand la simple glissière de sécurité est déjà à 100 € le mètre linéaire[8] ! Je ne rentrerais pas dans le débat, mais certains considèrent que les routes, en prenant TOUS les travaux d’entretien et de sécurisation nous coûteraient beaucoup beaucoup beaucoup plus chères que ces 70 milliards (entretien + insécurité), certains calculs vont jusqu’à 173 milliards d’euros[9] !!!

     Ainsi, avec près de 70 milliards par an MINIMUM (coût de la route, des accidents et des infrastructures de sécurisation), vous pouvez en financer de la rénovation de voies ferroviaires, voire même en financer des nouvelles (les 150 kilomètres le la LGV entre Laval et Rennes n’ont officiellement coûté « que » 3 milliards d’euros[10]) !

 

Pour conclure

     Je pense avoir évoqué tous les cas de figure pour remplacer sereinement la voiture sans que les ruraux soient lésés. Bien sûr, dans la même lignée, le camion pour le transport de marchandises serait supprimer pour être remplacé par le train et/ou relocaliser les chaînes de production (l’emploi perdu des chauffeurs se retrouverait grâce à la relocalisation).

     Ainsi, paradoxalement, au premier abord, la suppression de la voiture peut signifier la mort de la campagne. Pourtant, au contraire, cela la redynamisera car les différents services ne pourront plus délocaliser aussi loin, il n’y aura plus d’excuse pour créer de méga centre-scolaires[11] qui signifie la fin des écoles dans les villages, et si les services viennent aux gens, les ruraux ne seront plus obligés de quitter leur campagne pour aller en ville retrouver les services qu’ils ont perdus. La question se pose même de savoir si la voiture n’a pas entraîné le déclin de la campagne puisque son développement est en parallèle au nouvel exode rural[12].

     Si supprimer la voiture permet donc de reterritorialiser le territoire, de supprimer les inégalités et d’augmenter le budget des ménages, tout en diminuant notre empreinte environnementale, je dis OUI !

Vive des transports pour TOUS sans distinction de privilège et sans léser la planète !

 

Pour prolonger plus loin ce débat, n’hésitez pas à commenter,
et à partager pour animer vos prochains dîners de famille sealed.

POUR EN SAVOIR PLUS

Le coût des routes

Le « Check News » de Libération qui compare le coût du train et de la voiture : https://www.liberation.fr/france/2018/04/13/la-route-aussi-coute-de-l-argent-a-tous-les-francais-meme-ceux-qui-ne-roulent-pas-dessus_1642600/

Calcul très intéressant de Marcel Robert où il arrive à un chiffre de 173 milliards par an, rien qu’en entretien des routes (il prend en compte aussi le coût de la voiture par les particuliers) : http://carfree.fr/index.php/2011/05/18/combien-coutent-les-routes/

Fabricants français de cycles artisanaux

http://www.endanseuse.com/carte-velos-cycles-made-in-france/

https://www.marques-de-france.fr/velos-made-in-france/

NOTES DE BAS DE PAGE

[1] https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/ces-groupes-automobiles-francais-qui-se-moquent-eperdument-du-made-france

[2] https://www.automobile-magazine.fr/economie-politique/article/26895-les-voitures-francaises-fabriquees-hors-de-france

[3]   C’est un rapport québécois très riche car il parle également de « l’effet de fuite », c’est-à-dire que quand les gens se déplacent en voiture, ils dépensent moins dans la ville : acces_2005_tcenjeuecocmq.pdf.
Un rapport de l’Institut national de Recherche sur les Transports et leur Sécurité (aujourd’hui l’Ifsttar) en 1997 affirmerait également que le transport collectif générait deux fois plus d’emplois que l’industrie automobile tout en coûtant quatre fois moins chère à la collectivité, mais je n’ai pas réussi à mettre la main dessus.

4] https://www.lesechos.fr/2018/06/ce-que-coute-la-pollution-automobile-991971

[5] https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/la-pollution-coute-100-milliards-d-euros-par-an-a-la-france_999403.html

[6] https://actu.fr/bretagne/quimper_29232/aeroport-quimper-ce-va-couter-sauvetage-la-ligne-vers-paris_22578539.html, https://actu.fr/bretagne/quimper_29232/aeroport-quimper-maintien-ligne-vers-paris-manque-encore-700-000-euros_22636970.html et https://www.quimper.bzh/actualite/16020/3-aeroport-l-horizon-s-eclaircit-pour-vingt-ans-.htm

[7] https://www.lesechos.fr/2018/01/combien-coute-linsecurite-routiere-981442

[8] https://www.lelynx.fr/assurance-auto/conduite/code-route/infractions/vitesse/radars/infrastructures-routieres-combien-ca-coute/

[9] Calcul très intéressant de Marcel Robert où il arrive à un chiffre de 173 milliards par an (il prend en compte aussi le coût de la voiture par les particuliers) : http://carfree.fr/index.php/2011/05/18/combien-coutent-les-routes/

[10] https://www.lesechos.fr/2017/02/les-tests-de-vitesse-battent-leur-plein-sur-la-ligne-de-tgv-rennes-le-mans-161468

[11] https://www.bastamag.net/La-creation-de-mega-etablissements-regroupant-ecoles-primaires-et-colleges

[12] https://www.franceculture.fr/emissions/la-suite-dans-les-idees/quelle-france-peripherique avec Benoît Cocquard, auteur du livre Ceux qui restent

 

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Sophie

Vraiment intéressante cette série d’articles ! On voit bien qu’il faut un changement global de système et que dans ce cas le.la citoyen.ne ne peut agir seul. Moi aussi je veux les retours des commerces en campagnes, plus de trains et pistes cyclables et des usines relocalisées (mon correcteur a automatiquement corrigé en “délocalisées”…)

Magali

C’est plusieurs mois après leur publication que j’ai lu ta série d’articles “Supprimons la voiture” et rêver d’autoroutes cyclables, quel pied!!
Mais moi aussi, toute écolo que je me crois être, j’aime les bagnoles, j’en veux une belle, une dont je sois fière, pour épater mes élèves, mes copines, et ayant changé pour une Peugeot Partner (une voiture de facteur, faut dire ce qui est), j’ai passé des semaines à me plaindre qu’il était moche mon gros machin, pfff! Qu’elle était belle ma golf récente…
Ou comment mes rêves de lendemains en transition se heurtent à mon présent, mes habitudes, mon esthétique! Dur à avaler et à admettre, pfff!


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