Cérémonie des Césars 2020 : la honte française

Cérémonie des Césars 2020 : la honte française

Billet coup de gueule face à ce week-end riche en événements.
Je m’excuse par avance du ton, mais j’étais vraiment très énervée ! 

 

     Atterrée ! Je suis atterrée par cette 45e cérémonie des Césars ! Je n’ai même pas pu regarder jusqu’au bout tellement c’était consternant ! Entre Florence Foresti qui essayait tant bien que mal d’être subversive, le malaise de l’assemblée face au discours de la comédienne Aïssa Maïga qui a pointé du doigt le manque de diversité française (l’assemblée de la salle Pleyel était elle-même représentative de la sclérose du cinéma français : 12 personnes de couleur sur plus de 1500 personnes blanches !), les discours militants de quelques autres professionnels coupés par la musique et la chute de la soirée : remise du César du meilleur réalisateur à Polanski ! César d’autant plus symbolique qu’il récompense en même temps la carrière d’un réalisateur ! Tandis que le film phare Portrait d’une jeune fille en feu produit, réalisé et joué par des femmes n’a reçu qu’une petite récompense ! Cette cérémonie a été plus que lamentable : une honte !

       Comment au XXIe siècle en France, peut-on encore récompenser un violeur pédophile notoire ? Comment au XXIe siècle, la diversité de la population française est-elle si peu représentée dans les médias ? Et comment les critiques des femmes ont totalement été humiliées lors d’une importante cérémonie médiatique ? Comment un tel système peut encore exister aujourd’hui ?

       Ce qui s’est passé ce vendredi 28 février est l’incarnation de tout ce qui ne va pas en France avec comme principal problème : une caste politique, artistique et sportive française qui dirige, influence notre pays mais surtout qui se croit au-dessus des lois et du citoyen lambda !

       L’affaire Polanski est le meilleur exemple de cette inégalité devant la justice. Il fuit les États-Unis dans les années 1970 pour ne pas avoir à affronter la justice américaine, et il est accueilli en France à bras ouverts par toute la classe politique et artistique de l’époque, car vous comprenez, c’est un grand artiste ! Il a ainsi été protégé pendant des années, malgré les nombreuses plaintes de victimes. Et là, le pompon a été donné avec son dernier film J’accuse qu’il a choisi pour son histoire, comprenez pour son sentiment d’avoir eu affaire à une injustice !!! Oui, c’est sûr le monde est injuste pour les hommes qui aiment les très jeunes filles, mais il y a des traitements pour cela : en France, chaque pédophile condamné doit suivre un traitement psychologique et psychiatrique pendant une dizaine d’années ! Mais ces mecs se croient tellement au-dessus des lois que non, ils ne sont pas malades, c’est la société qui ne les comprend pas. Par société, comprenez les gens du peuple qui n’ont pas reçu LEUR éducation, et aussi surtout les femmes qui ne peuvent comprendre leurs pulsions !

       Ce qui me dégoûte dans cette histoire, c’est outre que Polanski a reçu les financements pour faire ce film (pourquoi pas après tout, soyons ouvert d’esprit, comme c’est un épisode important de l’histoire française), c’est qu’il a fallu qu’il soit nominé aux Césars, et malgré la montée en grogne sur les réseaux sociaux, cette académie l’a récompensé car vous comprenez, un tel artiste ! Et le pire, c’est toute la gerbe d’arguments totalement fallacieux !

  • « Il faut séparer l’homme de l’artiste » : c’est bizarre quand, dans les années 1990, Marc Dutroux a été condamné, cette élite ne l’a jamais défendu pour son bon travail d’électricien !
  • « Il ne faut pas suivre la vindicte d’un jury populaire » : rien que cette expression de « jury populaire » montre toute la suffisance de cette classe artistique. Pour rappel, la justice française est basée sur le peuple (c’est pourquoi dans les cours d’assises, on peut être tiré au sort pour faire partie des jurés) et le peuple est ce qui compose la société. Si cette société ne leur convient pas, qu’ils aillent voir ailleurs (ce que Polanski a fait en fuyant les États-Unis et le Royaume-Uni).
  • « C’est la bataille des Anciens et des Modernes » : là, on a atteint un summum de pseudo-intellectualisme. Les batailles des Anciens et des Modernes qui ont émaillé la culture française tout au long des siècles est une bataille sur les formes que l’Art doit prendre et non sur un fait judicaire.

     L’autre point qui me débecte dans cette histoire, c’est que depuis que nous sommes petits, on nous fait entendre que le cinéma français est une élite, ce sont des artistes, des intellectuels, qui savent mieux réfléchir que le pauvre quidam français. Mais cette affaire Polanski nous montre que c’est totalement faux. Ils sont seulement dans leur petit monde parisien, qui partent en vacances au même endroit (Corse, Saint-Tropez ou cap Ferret). Quand on voit Fanny Ardant défendre Polanski, car vous comprenez c’est un ami. Oui, on comprend très bien, c’est un ami ! Mais avoir de l’intelligence permet de savoir remettre en cause les défauts d’un ami. Quand on voit Catherine Deneuve dire qu’aimer des filles de 13 ans, ce n’est pas un crime ; non ce n’est pas un crime, c’est leur non consentement qui est un crime et qui s’appelle un viol !

       Et ce cinéma français si prompt à faire des leçons de morale, le voyez-vous montrer des pauvres dans ces films ? Et sans parler de pauvres, en voyez-vous beaucoup des gens de la classe moyenne, comme des caissiers ? Ou des ouvriers d’usine dans ces films français ? Certains films existent mais ils viennent du cinéma français indépendant.

       Et ce cinéma est si intellectuel qu’il a du mal à représenter les personnes de couleur ! Résultat, c’est la télévision française qui est une meilleure élève (télévision pourtant décriée par ces artistes du cinéma comme n’étant pas assez « intellectuelle » !). La série Julie Lescaut, dès les années 1990, mettait en rôle principal N’Guma (joué par Mouss Diouf) et en rôle secondaire (dans les premières saisons) Zora Zaouida (jouée par Samia Sassi). De même, plus récemment les séries Plus Belle la vie et Demain nous appartient mettent en avant des personnages de couleur. Même si ce n’est pas encore parfait, ces séries à forte audience sont plus ouvertes sur la société française que le cinéma français.

       Il en est de même avec les femmes qui sont encore peu représentées dans le cinéma français. Elles sont encore en effet une minorité à avoir accès à des rôles principaux, sans voir à les partager avec un homme. Et il y a rarement des films avec que des femmes (ah si, Huit femmes de François Ozon, tiens avec Catherine Deneuve et Fanny Ardant…) alors que le contraire est beaucoup plus courant (Le cœur des hommes, Le Grand Bain, etc.). C’est encore une fois la télévision qui met à l’honneur des femmes en rôle principal, avec les séries phares de TF1 : Julie Lescaut, Joséphine, ange gardien ou encore Le juge est une femme.

     Enfin, le cinéma français pourrait rester dans sa petite place d’entre soi. Mais le problème en France est que le milieu artistique est mêlé au milieu politique et ce, dans une même ville, qui plus est la plus petite capitale des pays occidentaux : Paris. L’affaire Polanski a ainsi son pendant politique, avec l’affaire DSK en 2011. Affaire qui est aussi partie des États-Unis, pays qui est infiniment plus égalitaire envers ces citoyens ! Si finalement, Strauss-Kahn a été condamné, pourtant au début, des voix disaient que c’était un complot pour qu’il ne puisse pas se présenter aux élections présidentielles de 2012 ; puis, cela s’est transformé en un simple « troussage de domestique » ! Mais en quoi, on a le droit de violer une domestique !? C’est une personne comme une autre avec les mêmes droits ! Beaumarchais, au XVIIIe siècle critiquait déjà cette pratique dans sa pièce de théâtre Le Mariage de Figaro. Au XXIe siècle, malgré la Révolution française, certains pensent encore ainsi !!! Comme quoi, si la Révolution a aboli certains privilèges, elle n’a pas aboli certaine façon de penser et certaines castes !

       Et c’est là qu’on arrive au cœur du problème français. Par leurs réponses et leurs « arguments » face à la colère populaire, on voit que tous ces hommes artistes et politiques se sentent au-dessus du citoyen lambda. Et pour être certain que personne ne dérange dans ce petit monde et qu’ils puissent conserver leurs privilèges et leurs passe-droits sans remise en cause, que font-ils ? Ils créent une Académie des Césars pour être sûr de faire rentrer dans le rang les quelques dissidents. Cela s’est toujours fait en France, chaque académie (Lettres, Sciences, etc.) est le résultat d’une volonté du pouvoir en place. Pour en faire partie, il faut faire partie du métier (normal !) mais aussi se faire parrainer par un ou plusieurs membres selon les Académies. Et bien sûr, il y a très peu de chance que vous parrainez quelqu’un qui ne pense pas comme vous ! Ce qui explique que le cinéma français n’est pas ouvert sur le monde, que la diversité de la population française (sociale, genrée, ethnique) soit si peu représentée.

       Mais le pire est que malgré tous ces défauts, ils ne se remettent pas en cause puisque ce sont des « intellectuels » ! Et c’est là, que le bât blesse. Oui, je peux admettre qu’on ne peut pas penser à tout le monde, qu’on ne peut pas connaître les problématiques de toutes les classes sociales, les problèmes que les personnes de couleur rencontrent, les problèmes auxquels les femmes se heurtent, mais on peut au moins écouter les gens, écouter ce qu’ils ont à dire, essayer de comprendre, d’appréhender leurs revendications ! Mais non, comme ils se sont décrétés au-dessus de la masse, la parole des autres ne les intéressent pas ! Et la récompense de Polanski montre qu’ils s’en contre-foutent des gens, de ce qu’ils pensent, d’autant plus s’ils sont victimes (sous-entendu : inférieur hiérarchiquement !) ! Et j’en suis malade ! Malade de ce petit monde qui se croit au-dessus des lois, qui méprise les gens différents d’eux, qui se croient plus intelligents que le Français de base. Et pourquoi cette distinction avec un Français de base ? C’est quoi un Français de base ? Pourquoi celui-ci n’aurait pas le droit de réfléchir, de dire ce qu’il pense ? Tous les êtres humains sont égaux en droits et devoirs, il serait bon que cette caste politique, culturelle et sportive se le rappelle.

BONUS

L’excellent article du New York Times (en français) sur l’affaire Matzneff qui montre très bien cette connivence entre politique et artiste. Matzneff a en effet été protégé entre autres par François Mitterrand lui-même !

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Magali

Un article argumenté et une récompense, comme tu le dis si bien, symptomatique de la domination masculine et du mépris pour les femmes, surtout, comme tu le soulignes, dans les “élites” intellectuelles et politiques, des élites majoritairement composées d’hommes, qui sont tellement imbus d’eux-mêmes qu’ils sont carrément inaptes à se remettre en question, y compris après plus de 2 ans d’affaire Weinstein (pourtant condamné depuis, mais comme tu le dis, aux Etats-Unis). Tu as bien fait de rappeler Beaumarchais, c’est très juste ce que tu dis.
La lutte pour l’égalité femmes-femmes sera encore longue.


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